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La mécanique de la gratuité sur l’internet

Par Gof

En fréquentant l’Internet, on a parfois la sensation du tout-gratuit, disponible immédiatement, en ligne. Semblant délivré du règne de la marchandise et des règles commerciales, l’internaute peut avoir l’illusion d’un espace fondé sur le don et l’échange. L’altruisme et la générosité remplaçant alors les dollars et les euros. Un tel sujet est si vaste qu’il serait difficile d’en appréhender ne serait-ce que les limites ; mais on peut éclairer cependant certains points, sans toutefois en aborder la question philosophique, car je me suis rendu compte en préparant ce sujet que le domaine était très vaste et embrassait de nombreux aspects et perceptions, tout en soulevant de véritables débats parmi des pointures dans de nombreux sujets hétéroclites.

Préambule

Aux spécialistes puristes qui s’offenseraient d’imprécisions, ou d’approximations malheureuses, je vous saurais gré de ne pas m’accabler et de partager votre savoir ; je ne suis qu’un autodidacte n’ayant pas fait d’étude d’économie, de marketing, d’informatique, etc., s’efforçant de démythifier quelques mécanismes commerciaux.

De quoi allons nous parler alors ? Nous allons donc évoquer le mécanisme ou les mécanismes permettant la gratuité d’un produit ou d’un service sur le net, et les bénéfices et profits à livrer un service ou un produit gratuit aux internautes. Quel en est l’enjeu ? Vous faire réaliser que rien n’est fortuit et que tout, presque, n’est qu’histoire de gros sous. Par commodité, nous appellerons donc le fournisseur du produit ou service gratuit l’acteur, quel qu’il soit (société, particulier, etc) ; nous appellerons le bénéficiaire le client.

Gratuit

“Rien n’est jamais sans conséquence, En conséquence, rien n’est jamais gratuit.” [Confucius] 

Le financement de la gratuité

La majorité de la gratuité disponible sur l’Internet est ce que l’on pourrait prétendre de la fausse gratuité. Cette nouvelle économie s’appelle déjà la Freeconomics, que l’on pourrait traduire par l’économie de la gratuité. C’est tout un concept d’anciennes techniques commerciales adaptées au Net et à ce nouvel environnement. Nous allons voir ici plusieurs démarches permettant aux acteurs de proposer la gratuité à leurs clients tout en s’enrichissant.

Nous verrons ensembles les éléments suivants :

  • La publicité
  • Le produit d’appel du payant
  • L’économie d’échelle, coût marginal nul
  • La subvention croisée
  • L’échange de travail
  • L’altruisme propriétaire
  • Le don
  • Le cas particulier du monde Libre

Complémentarité des financements, mixité des modèles

Bien évidemment, ces différents modèles de financement aboutissant à la gratuité d’un service ou d’un produit sont complémentaires et peuvent se combiner à l’infini. Il ne faut pas naïvement croire que la gratuité est une finalité altruiste, il y a une logique commerciale bien entendu derrière. Cependant, tout n’est pas noir pour autant. La gratuité n’induit pas forcément une notion d’enrichissement aux dépens de l’internaute, il s’agit dans certains cas d’une relation privilégiée entre un administrateur Web ou un développeur et son public. La gratuité étant une condition sine qua non de l’adhésion du public, et les sources de financement de cette dernière un passage obligatoire pour qui en supporte réellement les frais.

La publicité

Ce doit être la forme la plus visible de financement de la gratuité. Nous la retrouvons partout, insérée dans les pages Web, certains softs gratuits, les forums, etc. Au même titre que la télévision privée ou une majorité de quotidiens, il ne s’agit plus de vendre du contenu au public, mais de vendre des spectateurs/lecteurs/clients à des annonceurs. Quelques chiffres ; la publicité en ligne représente 11,2 milliards d’euros investis en Europe en 2007, soit une progression de 40% par rapport à 2006, pour une répartition d’environ 920 millions d’euros dans l’hexagone. La publicité sur le Net se présente sous différentes formes, aux dénominations techniques particulières :

  • L’affichage classique. Il s’agit ici ni plus ni moins que de la transposition de la publicité classique à l’environnement Web. S’appuyant sur des régies publicitaires alimentant des espaces alloués sur les pages des sites et forums, la tarification est notamment fondée sur le CPM, Coût par mille affichages. On retrouve cette forme de publicité presque partout ; elle fait partie notamment du panel de financement de nombre de sites et forums.
  • Le matching, ou encore l’intermédiation automatisée. On retrouve ici sous cette dénomination le concept inventé par Google ; cela consiste à automatiser l’affichage d’espaces publicitaires en fonction de mots clés, et de l’analyse sémantique des pages.
  • L’intermédiation chaude. C’est une forme plus affinée du modèle de matching, adaptée aux acteurs moins importants, comme ceux de la blogosphère notamment. S’affiliant à des structures d’acteurs, des régies publicitaires affinent leurs annonces en fonction de ces structures ; valorisant ainsi leurs annonces à des publics particuliers.
  • Le social marketing media. Il s’agit de campagnes axées sur ce que l’on appelle les médias sociaux : MySpaceFaceBookSecond Life, en sont des exemples. Cette méthode permet à ses acteurs de tisser un lien intense entre les clients et la marque, avec tous les bénéfices en terme de profiling des clients et d’adaptation des produits à leurs désirs. La sortie de Lively de Google n’est pas anodine, et répond à un désir d’investir de la marque dans ce type de médias et de publicités.

Ces différents modèles de la publicité en ligne peuvent presque se transposer aux modèles de la publicité logicielle. Certains softs, téléchargeables gratuitement mais aux conditions générales d’utilisation et d’exploitation explicites, créeront des pop-ups publicitaires sur vos systèmes. Là encore, l’acteur se finance grâce à la publicité engendrée, les annonceurs trouvant là un moyen d’affichage adapté à une population précise. Sous couvert de cette publicité s’ajoutent souvent des procédés de profiling afin d’alimenter des bases de données comportementales, bien précieux et à forte valeur ajoutée.

Le produit d’appel du payant

Ce procédé pourrait se résumer ainsi : une minorité paie pour une majorité. Ce modèle s’appelle Freemium. Il s’agit en général d’une version grand public, gratuite, couplée à une version payante, mais plus évoluée pour des secteurs bien précis.

A titre d’exemple on pourrait insérer dans ce modèle certaines suites de sécurité, offrant une version gratuite aux particuliers, et une version plus évoluée et plus pointue aux professionnels ou aux particuliers exigeants (ex : Antivir) ; en fait tous les utilitaires disponibles gratuitement aux particuliers mais commercialisés aux professionnels (comme les logiciels de cryptage encore à titre d’exemple). Ou encore, sur un autre modèle, certains sites communautaires, de rencontres, offrant un accès gratuit de base, et payant avec des fonctions plus développées (Ex : Meetic). Les exemples pourraient être nombreux, et les bénéfices pour les acteurs à proposer ce type de gratuité sont importants, mais ils font l’objet d’un point à part plus loin dans ce sujet.

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serge94

Excellent, et je pèse mes mots. Rare sont les articles dont je vais jusqu’à la dernière page ( 25 pages —25 pub !! LOL) Même si je n’ai pas appris grand chose (juste quelques noms, termes de certaines pratiques commerciales), cela est suffisamment concis pour le quidam afin de débuter une réflexion. C’est un peu comme le chômeur sur lequel "on" casse du sucre et qui nourri toute une économie et dont le seul perdant est le chômeur (jusqu’à ce qu’il retrouvé un emploi, que beaucoup souhaitent durable !!). Quid de l’utilisateur du "gratuit" ?? Ce qui me chagrine et… Lire la suite »

Gof

Bonjour serge94,

Merci du commentaire. 🙂

gazobumeu

Bonsoir,
article passionnant et très bien construit, merci.

J’ajouterais un petit commentaire : S’il est vrai que le gratuit, au final, ne l’est pas tant que ça, il ne faut pas le confondre avec le désintéressé.

Aider un voisin, dépanner dans un forum (zeb, au hasard), ça coûte du temps et de l’énergie, sans rien attendre en retour, c’est un comportement qu’Internet a permis de développer, tant mieux !

Internet n’est pas seulement un repaire de marchands !

Gof

Bonsoir gazobumeu,

Merci de ton commentaire. 🙂

J’acquiesce à ta remarque, et je pense avoir introduit cette notion dans la conclusion. 😉

zigor

Merci pour cet excellent article, concis mais complet, précis et objectif.

J’ajouterai un très simple commentaire (personnel) : Rien n’est gratuit, cela signifie simplement que quelqu’un a payé à votre place!

Rien d’inquiétant la-dedans, tout consiste à trouver les opportunités les plus intéressantes et, comme mentionné dans l’articles, d’autres clients rétribueront les acteurs. Cela illustre à nouveau l’extraordinaire vivacité du marché, véritable moteur du développement sur Internet :bigglasses:

mmz06

Bonjour, merci pour cet excellent article… gratuit !!! Cependant pour apporter ma pière à l’edifice, j’aimerais faire le grand écart depuis "le gratuit sur l’internet" jusqu’au commerce "low-cost" sur et en dehos d’internet. La concurence est en effet devenue tellement forte dans ce dommaine qu’on assiste, à mon sens, à un effet pervers pour nous les "clients", pour lesquels on sacrifie désormais passablement la qualité de vente sur l’autel de ce "low-cost". Pour étayer mon propos j’ai pas mal d’exemples sur le net : Accès ADSL à prix plancher mais qualité de support adaptée au prix (c’est valable pour tous… Lire la suite »

Gof

Merci de vos commentaires à tous deux 🙂

Louralou

Excellent article, ayant le mérite de nous faire réfléchir. Ce terme de "gratuit" semble donner au client (à mon humble avis), l’impression qu’ il est un petit malin un peu au dessus des autres. les supermarchés en font d’ailleurs un usage ad nauséeum. Cela étant, je pense que TOUS les internautes surchargent le disque dur de leur ordinateur de "gratuits", et comme vous le démontrez, il y a des gagnants "cachés".

Gof

Merci du commentaire Louralou 🙂

mourkos

article intéressant et bien fait. Mais, Gof quelle est la nature de ton acte (d’écriture) ? un acte purement gratuit ?

Gof

Bonsoir Mourkos 🙂 Eh oui ^^ ! Purement gratuit ! L’article avait été rédigé intialement pour le petit blog Zebulon que j’entretiens de temps en temps. Yann a eu la gentillesse de l’exposer ici afin qu’il soit plus visible 🙂 Mais tous les billets du blog sont exploitables par tous ; il ne s’agit que d’information au sens large, que chacun peut reproduire. Citation Comme tous les textes ici, puisqu’il s’agit d’informations au sens large, chaque article peut être librement reproduit. Je demande juste que vous ayiez la délicatesse d’apposer le nom de l’auteur, tout simplement, et un lien vers… Lire la suite »

herb44

Bonjour, La gratuité est une question à laquelle j’ avais un avis. En gros sans le savoir je me posais les questions aux quelles vous apportez une réponse. Mais parlons d’ un cas précis. Vous évoquez par exemple les services rendus lors de l’ aide a la désinfection. Recemment j’ ai eu besoin d’ aide et j’ ai été satisfait des réponses apportées. Il ne s’ agissait pas à priori d’ une désinfection. Comment fonctionne l’ aide de ZEBULON? Les "bénévoles" qui répondent font-ils partis d’ une équipe spécialisée du site? Comment, éventuellement remercier par un don un dépanneur du… Lire la suite »

Gof

Bonjour herb44 🙂 Content que ce sujet ait pu répondre à tes questions. Citation Comment fonctionne l’ aide de ZEBULON? Les "bénévoles" qui répondent font-ils partis d’ une équipe spécialisée du site? Tous les intervenants sont des bénévoles, comme toi et moi. A ma connaissance, personne n’est rémunéré sur Zebulon pour répondre sur le forum. Il ne s’agit que d’échanges volontaires entre ceux qui demandent et ceux qui répondent. Il y a diverses "équipes" reconnaissables aux couleurs sur le forum : il s’agit essentiellement de "groupes" créés par l’Administrateur Yann afin de faciliter la gestion de droits particuliers sur le… Lire la suite »

mirware

Bonjour Gof (ça fait longtemps…hein?)
Salut Mourkos. (Ton poil va bien? Excuses-moi, mais de mon coté, j’ai des moucherons qui se sont installés dans mon écran de PC du boulot…:-) Je bosse à la campagne.)

Un éclairage sur le Libre qui m’a bien plû, car il rejoint ma pensée du "donner, car quelque part, les générations à venir en profitent".

Je précise que je ne suis pas 68-tard, pour les rares qui ne me connaissent pas. (ici, je précise ;-))

http://www.adullact.org/IMG/pdf/doc-157.pdf

Gof

Bonjour Mirware, merci du commentaire 🙂

Conversation poursuivie ici sur ce sujet :

=> A propos de la gratuité, Questions générales.

unneuroneactif

je le trouve tres bien fait, ca vaut le coup de(payer,ce moment de bonheur pur) a mon fai? mais qu’elle est le mieux 1)d’avoir du gratuit pour payer +tard ou 2)d’avoir a payè pour s’en servir gratuitement,il va me falloir 3jours pour m’en remettre de ces 2questions .en tout cas j’aime bien cette exposer ca laisse mon neurone perplexe a+ :mhh:

arkanax

Très bon article, étude fouillée du sujet concernant la (vrai,fausse) gratuité sur la toile. Pour aboutir à quoi? Sans se masturber trop l’esprit,(vice typiquement parisien),je dirais qu’il faut prendre ce qui est à César et laisser à d’autres le soin d’en faire les frais. 😕

Gof

Merci à vous des commentaires 🙂

ucase

Pas fait d’études ne veut rien dire!
Très bel article plein de vérités!

Je trouve celà très bien d’oser l’écrire.

Rien pour rien, c’est bien connu et bien dommage.

Gof

Merci du commentaire ucase 🙂

Renchaud

"Le cas des particuliers payant par exemple une licence de logiciel propriétaire crée là un contrat moral avec l’acteur : le client entend disposer d’un outil fonctionnel répondant à ses attentes, avec un service personnalisé à son usage et authentique. Il s’agit d’une relation de confiance liant l’un à l’autre, où l’un peut se retourner contre l’autre en cas de faillite aux attentes énoncées."

Sauf que toutes les licences, même propriétaires et payantes, comportent des limites de responsabilité … très très et même extrêmement limitées.

Renchaud

"Le cas des particuliers payant par exemple une licence de logiciel propriétaire crée là un contrat moral avec l’acteur : le client entend disposer d’un outil fonctionnel répondant à ses attentes, avec un service personnalisé à son usage et authentique. Il s’agit d’une relation de confiance liant l’un à l’autre, où l’un peut se retourner contre l’autre en cas de faillite aux attentes énoncées."

Sauf que toutes les licences, même propriétaires et payantes, comportent des limites de responsabilité … très très et même extrêmement limitées.

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